Thomas Voeckler : « Cette année fera date dans l’histoire »
Depuis sa Vendée d’adoption, l’Alsacien Thomas Voeckler, manager de l’équipe de France, respecte le confinement avec sa femme Julie et ses trois enfants. L’ancien maillot jaune du Tour prend la situation avec plus de recul que s’il avait encore été coureur.
Thomas Voeckler a toujours montré l’exemple dans un cyclisme qui a connu des périodes de turbulences. À 40 ans, l’actuel manager de l’équipe de France sur route ne change pas de cap à Mouilleron-le-Captif, du côté de La Roche-sur-Yon, dans le contexte de la propagation du coronavirus.
« On respecte les consignes de confinement, je n’ai pris que deux fois ma voiture, seul, depuis sa mise en place, assure-t-il. Je n’ai pas vu beaucoup de monde dehors, je pense que c’est très bien respecté en Vendée, même si je n’ai pas traversé le département. Mais j’ai vu des images à la télévision qui ne font pas plaisir. Tout peut aller tellement vite… »
« Julie est la maîtresse des grands et moi la nounou »
Les envies d’ailleurs ne doivent pourtant pas manquer. En tant que cycliste, la vie au grand air prime, comme dans son rôle de consultant télé à l’Étoile de Bessèges ou d’ambassadeur pour Amaury Sport Organisation à Paris-Nice.
« C’est vrai que quand on est pro, on a l’habitude de toujours bouger. Moi, ç’a été comme ça toute ma vie, confirme Thomas Voeckler. Autant j’adore ma famille, autant j’aime quand ça bouge. Heureusement, j’ai un bon équilibre familial, ça change mes habitudes. »
Dès le début du confinement dans sa maison vendéenne, il a commencé par établir un protocole avec sa femme Julie, pour savoir comment procéder avec leurs enfants Mahé (11 ans), Lila (8 ans) et Noha (2 ans et demi).
« On a testé deux rôles différents, Julie la maîtresse des grands et moi la nounou, et inversement. Mais vu ma patience limitée, je m’occupe de la petite et elle fait la maîtresse », sourit celui qui s’occupe des extérieurs de la maison et un petit peu plus de l’intérieur.
« En cuisine, c’est au feeling, mais il faut être honnête, d’habitude ma femme le fait 95 % du temps. Là, le ratio est seulement tombé à 80. Je suis aussi conscient que j’ai la chance d’avoir une maison avec un jardin, on peut sortir les enfants. J’ai aussi fait le nettoyage de printemps, je m’occupe du jardin, des massifs, mais je ne vais pas nettoyer pendant trois semaines… Avec trois enfants, ça demande déjà énormément ! »
Ces instants en famille, Thomas Voeckler les apprécie, lui qui s’est souvent trouvé éloigné des siens. Avec désormais sa casquette de sélectionneur, il relativise, même s’il pense aux cyclistes.
« Quand on est coureur, on est obligé de s’en faire. Il y a trois ans, j’aurais établi 50 scénarios, alors que, là, j’attends, et on verra bien comment ça va évoluer. Une semaine à la maison, ça va, mais cinq semaines, ça va cogiter dur. J’appellerais plutôt les coureurs à la prudence ou à récupérer, car ce sera une drôle de fin de saison si on a Paris-Roubaix en octobre. »
« Tout n’est pas encore remis en cause »
Ce n’est pas pour autant que le Schilikois de naissance perd tous ses réflexes. Son poste à la Fédération française de cyclisme nécessite tout de même d’échafauder quelques hypothèses. « Il n’y a pas que les Jeux
(Ndlr : reportés en 2021) , il y a aussi l’Euro
(le 13 septembre à Trente, en Italie) et le Mondial
(le 27 septembre à Martigny, en Suisse) à planifier. Tout n’est pas encore remis en cause. »
Le Tour de France précédera-t-il ces championnats ? « Au moment où on en parle, on a du mal à imaginer que ça puisse s’organiser, indique celui qui a terminé 4e de la Grande Boucle en 2011. Y arriver sans avoir couru avant, ce serait compliqué. Maintenant, le Tour de France draine moins d’acteurs de moins de pays que les JO. Organiser le Tour semble moins irréalisable… » Sans les Jeux, un réaménagement du calendrier est même possible : le Tour - qui doit s’élancer le 27 juin de Nice - pourrait ainsi être décalé d’une, voire de deux semaines.
En attendant, comme bon nombre, Thomas Voeckler n’échappe pas aux désagréments de cette situation. « On a une société à faire tourner avec mon épouse et on se retrouve au chômage technique, constate-t-il. Mes principaux revenus de consultant passent à la trappe, je suis impacté à mon échelle. Mais je ne me plains surtout pas. » Ça n’a d’ailleurs jamais été son attitude sur un vélo.
Avec son franc-parler, Thomas Voeckler garde le sens des priorités. « Cette année fera date dans l’histoire de France ! Mais s’il n’y a plus aucun événement de sport, pendant un moment ou durant toute l’année, on ne va pas en mourir. Contrairement à ce virus qui tue…»
« Ça m’a fait plaisir pour Hugo »
Comme son illustre aîné Thomas Voeckler, Hugo Hofstetter a réussi à gagner en Belgique. « Ça m’a fait plaisir pour lui, je sais ce que ça représente, indique Voeckler en évoquant la victoire du jeune Haut-Rhinois au Samyn, le 3 mars dernier. Sans le connaître, j’ai vu qu’il a énormément bossé pour avoir ce physique. Le travail paie. Il a fait un très beau début de saison, un beau Paris-Nice. J’ai l’impression qu’il a franchi un petit cap, il a une plus belle allure. Dans le vélo, ce sont des dynamiques. Quand on commence bien, c’est rare que ça ne continue pas, on a de la confiance et moins de stress. Malgré cette interruption, il faut voir les bons côtés : il a une belle équipe (Israël Start-up Nation en WorldTour) et il a encore une année de contrat. » En lisant ces paroles, Hugo Hofstetter ne peut que continuer à s’investir et pourquoi pas rêver qu’un jour Thomas Voeckler le manage.
dna