Biathlon | Championnats du monde : onzième titre pour Martin Fourcade L’étoffe du championGrâce à un 19 sur 20 et le deuxième temps de ski, Martin Fourcade a épinglé un onzième titre mondial à son palmarès et égale le record du Norvégien Ole Einar Bjoerndalen.
Il ne contient plus sa colère. Elle le déborde. Regard sombre, Martin Fourcade passe la ligne, cognant l’air d’un poing rageur. Il tourne la tête et fixe longuement Fabien Claude qui vient d’en finir. « Quand je le vois sur la ligne, je le sens en mode : ''Quel con !'', » éclaire le Vosgien.
Fourcade est agité. Reclus dans ses pensées. Il ressasse ce dernier tir et cette dernière balle qui est allée se perdre quelques centimètres à droite de la cible. « Pour lui, c’était la balle qui lui coûtait le titre », confesse Claude.
« Pour lui, ça veut dire tellement de choses »
Jusque-là, il avait récité parfaitement sa partition. Appliqué, il avait distillé un à un ses tirs. Quand il manque cette vingtième balle, il ferme les yeux et grimace. Il connaît trop cet instant pour savoir qu’il ne décide alors plus du résultat. Il vient d’abandonner ce privilège à Johannes Boe, plus rapide sur les skis, qui doit encore lâcher cinq balles.
« Il y avait beaucoup de colère car j’avais ouvert une porte, avance Fourcade. C’est le genre de situation qu’on apprécie quand même quand on sait que notre principal adversaire a ouvert une porte, on s’engouffre dedans avec grand plaisir. J’avais cette crainte-là. »
Agacé, Fourcade prend ses affaires et file se changer dans le vestiaire. Au même moment, Boe débarque sur le pas de tir.
Le bruit de la foule se fait plus oppressant. Fourcade l’entend. Il se penche alors sur l’épaule de Tarjei Boe, assis sur une chaise et qui regarde la course sur son téléphone. « Il m’a dit que ce n’était pas son frère qui était sur le pas de tir, raconte Fourcade. J’ai entendu les cris et je n’ai alors pas fait attention s’il y avait une balle de loupée ».
Il y en a une. Boe a manqué la quatrième. Les Bleus se précipitent dans le vestiaire annoncer à Fourcade qu’il est champion du monde. Quand il revient, la colère a disparu, son visage s’est adouci. Il a les larmes aux yeux. « J’ai vu de l’émotion comme rarement j’ai vu chez Martin, glisse Fabien Claude. Pour lui, ça veut dire tellement de choses… »
Fourcade est là où il n’avait jamais cru revenir. Il y a un an aux championnats du monde à Östersund, l’individuel (39e ) avait précipité la fin d’un hiver chaotique. Il se noyait après avoir tant surnagé. « Ce titre, il le voulait vraiment du fond du cœur », retient Patrick Favre, son entraîneur au tir.
« Cela ne m’étonne pas qu’il soit ému comme ça après les galères de l’an dernier, enchaîne Stéphane Bouthiaux, directeur du biathlon. C’est le titre qui nous intéressait et l’intéressait après une année compliquée. »
Cette médaille d’or éclaire l’homme autant que le champion. Le chemin que chacun des deux a dû emprunter depuis un an pour que l’histoire ne s’arrête pas sur un énorme gâchis. Elle se finira peut-être à la fin de l’hiver mais la fin sera comme il l’a voulu.
Un leadership renforcéGrâce à son sixième succès cet hiver, Martin Fourcade a assis un peu plus sa position en tête du général de la Coupe du monde.
Il compte désormais 94 points d’avance sur Quentin Fillon Maillet et 122 sur Johannes Boe (62 si on retire les deux plus mauvais résultats de l’hiver comme le veut le règlement).
« Je ne le cache pas que le général est un objectif, affirme-t-il. C’est une des choses qui m’anime pour la fin de la saison. Le globe de l’individuel en était une, peut-être plus que ce titre de champion du monde. »
«Bagarre»
« L’horizon s’est un peu éclairé en janvier après les quatre victoires consécutives, ajoute-t-il. J’ai à cœur de défendre ce maillot jaune. Je sais que ce sera une bagarre extrêmement dure parce que Johannes Boe, quand il loupe des courses, il est 2e. » Il reste huit courses individuelles à disputer.
dna