«Derniers espoirs envolés»Frédéric Sitterlé, l’entrepreneur alsacien, a tenté hier une opération de la dernière chance pour sauver le Racing. Mais sa proposition de rachat, émise vers midi, a été refusée par Jafar Hilali en fin d’après-midi. Ce qui condamne le Racing à l’abandon du statut pro… et même pire.
Décidément, le feuilleton Racing n’en finit plus. Et la vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain. Hier matin, tout semblait perdu pour le Racing, en passe d’abandonner le professionnalisme après plus de 75 ans sous ce statut. Mais à midi, l’espoir est revenu grâce à Frédéric Sitterlé. L’entrepreneur alsacien – qui avait déjà tenté de racheter le club l’an passé avec l’aide d’un pool alsacien et de Henri Ancel – a fait la proposition de la dernière chance à Jafar Hilali.
Proposition à midi, refus dans la foulée
L’entrepreneur a envoyé, via mail un plan de rachat en trois phases. Sitterlé se proposait de verser 1,6 million d’euros dans un délai de 48h, puis de verser un million supplémentaire en cas de remontée en L2, et un million de plus en cas de retour du Racing en L1.
Le total de 3,6 millions d’euros envisageable pour un club acheté 1,7 million par Jafar Hilali en janvier 2010 n’apparaissait, a priori, pas comme une mauvaise affaire.
L’offre a suscité l’espoir du côté des amoureux du Racing. Celui-ci a été de très courte durée. En moins d’un quart d’heure, la réponse n’a pas laissé l’ombre d’un doute. Jafar Hilali a tout bonnement fermé la porte à double-tour, indiquant à son interlocuteur que la proposition « ne l’intéressait pas ».
C’est comme si la lassitude décelée dans les propos et sur le visage du président ces dernières heures se concrétisait dans une position fermée à toute solution. À 17h, Jafar Hilali a donné une explication à ce qui peut paraître comme une fin de non-recevoir à l’investisseur alsacien.
« J’ai échangé une dizaine de mails avec Frédéric Sitterlé, c’est vrai, a souligné le président désireux de s’en aller. Mais je dois constater qu’il n’y a pas d’acheteur, il n’y a pas de repreneur sérieux. Je n’évoque plus le chiffre de dix millions d’euros, pour vendre le club. Mais là, je ne pouvais que refuser. »
La même réponse négative a ensuite été donnée à Jean-Claude Calisesi, l’entrepreneur nancéien, qui avait officiellement fait la proposition de reprise avec délégation (DNA d’hier). Jafar Hilali serait à ce moment-là resté propriétaire jusqu’au redressement du club par l’équipe de Calisesi et cette dernière aurait ensuite racheté le club 5 millions d’euros.
« Au bout de 3 à 4 mois, on aurait fait le premier verse ment. Mais Jafar Hilali voulait la somme immédiatement, explique le repreneur nancéien qui est le seul à se montrer optimiste. Je pense que Jafar Hilali va garder le statut pro et nous recontacter, car nous avons fait une offre où il rentre dans ses frais », explique encore Jean-Claude Calisesi.
Le Lorrain n’excluait donc pas un ultime rebondissement avec un courrier sollicitant une dérogation pour conserver le statut pro adressé à la Ligue, avant minuit. Mais le président semblait bel et bien décidé à jeter l’éponge et à plonger le Racing dans une minuscule dimension inédite.
Vers une cessation d’activité
« Ce que j’envisage désormais, c’est de présenter un budget cohérent pour un club amateur à la commission fédérale de la direction de contrôle de gestion, a poursuivi Jafar Hilali. Mais je sais qu’il sera retoqué, puisque je ne compte pas entériner mon abandon de plus de trois millions en compte-courant. »
La sanction ne tarderait pas, le budget 2010-2011 clôturé sur un énorme déficit, se révélant irrecevable pour le gendarme du foot français. Une relégation dans le championnat de France amateur serait au programme. Aussi, le pire est-il à venir dans l’esprit du n°1 du Racing.
« Jusqu’à la fin du mois de juin, cela devrait aller, a conclu Hilali. Mais ensuite, si aucun repreneur ne s’est manifesté jusque-là, la suite est claire. Je m’adresserai au Tribunal de Grande Instance (plus exactement à sa chambre commerciale) pour signifier une cessation d’activité. » Le Racing serait bel et bien mort ou alors un fantôme voguant au 5 ou 6 e échelon de la hiérarchie nationale.
« Ce refus est surprenant. Jafar Hilali voulait qu’on lui fasse une offre ferme. Là, elle a été faite et il n’en a pas tenu compte et n’a même pas cherché à discuter. On ne sait pas où il veut en venir. Car en perdant le statut pro, il a encore réduit un peu plus la valeur du club », ajoute Alain Fontanel, l’adjoint au maire chargé du dossier.
« Frédéric Sitterlé a fait une proposition tout à fait raisonnable. Je ne comprends pas que Jafar Hilali ait refusé », constate de son côté Léonard Specht. « J’avais dit que le 4 décembre 2009 (ndlr : jour de la vente du Racing par Philippe Ginestet) était un jour noir. Et la suite m’a donné raison. Jafar Hilali a méthodiquement détruit le Racing pendant 18 mois, explique de son côté Dominique Pignatelli, actionnaire minoritaire du club. Et en plus de détruire le Racing, il a découragé les dernières personnes prêtes à investir par ses attitudes provocatrices ».
Au final, l’opération de la dernière chance a échoué. Désormais, la Ville, l’association (et notamment le trio Jean-Marc Kuentz, Patrick Spielmann et Léonard Specht) vont se mettre autour d’une table pour essayer de trouver une solution pour « créer les conditions de restructuration du club », dixit Fontanel.
Une AG extraordinaire de l’association va se tenir en début de semaine prochaine, une réunion est aussi prévue mercredi pour évoquer le sort du centre de formation. Il s’agit de réécrire une pratique du foot à la mode strasbourgeoise sur une page totalement blanche, sur les vestiges d’une période définitivement noire.
François Namur et Barbara Schuster
Source : DNA du 11/VI/11