Daniel Jeandupeux : « Mêler ambition, passion et modestie »
Alors que le Racing Club de Strasbourg Alsace s’apprête à défier l’AJ Auxerre ce dimanche 4 janvier à l’Abbé-Deschamps pour son deuxième 32ème de finale de Coupe de France depuis sa chute aux enfers en 2011, le Racing d’il y a vingt ans, alors en première division et présidé par Roland Weller, entrait en lice le 14 janvier 1995 à Louhans-Cuiseaux (battu 3-4) sans deviner qu’il atteindrait la finale. Gilbert Gress parti à l’issue de la saison 1993/94, c’était Daniel Jeandupeux, natif de Saint-Imier dans le Jura bernois et considéré comme l’un des grands entraîneurs de l’époque (entraîneur de l’année en 1991 avec Caen), qui avait pris les rênes de l’équipe en juin 1994, avec Léonard Specht comme adjoint. Son système de jeu, un 4-4-2 avec deux lignes de quatre joueurs évoluant en zone, avait notamment révolutionné le football français dans les années 1980. Le recrutement que le technicien romand avait effectué au Racing aura marqué les esprits, avec les venues de Franck Sauzée, Alexandr Mostovoï, Xavier Gravelaine et Alexander Vencel.
Après un très bon début de saison, l’équipe, qui comptait dans ses rangs l’actuel président du Racing, avait connu une période difficile à partir de la fin novembre 94, n’obtenant qu’une victoire en treize matches de championnat. Ces résultats jugés insuffisants avaient abouti au licenciement de D. Jeandupeux le 27 mars 1995, bien qu’il ait mené l’équipe en demi-finale de la Coupe, en l’occurrence un derby contre le FC Metz. C’est donc son successeur, un certain Jacky Duguépéroux, qui dirigea la troupe Ciel et Blanc, laquelle élimina les Lorrains de la route du Parc des Princes grâce à un but d’Yvon Pouliquen à la 73’. Malgré l’échec de son projet strasbourgeois et avec le recul, on peut considérer que Daniel Jeandupeux avait largement contribué à asseoir les bases de l’une des plus belles séquences de l’histoire du Racing avant la vente du club à IMG-McCormack. Aujourd’hui retiré du monde du football et vivant dans le Tarn, Daniel Jeandupeux a accepté de revenir sur son expérience strasbourgeoise pour Total Sport Live – Alsace*.
Bonjour Daniel Jeandupeux. Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous revenir sur cette expérience strasbourgeoise dans votre carrière d’entraîneur ainsi que sur les raisons qui n’ont pas permis qu’elle s’inscrive plus durablement dans le temps ?Effectif du RCS saison 1994/95, lors de la finale de la Coupe de France contre le PSG
Même si j’ai constaté la difficulté des techniciens étrangers (non Alsaciens) de durer au Racing, je préfère m’attarder sur les problèmes que je n’ai maîtrisés. Un microcosme que tu ne vois pas, que tu ne sens pas et qui te pète dans la gueule sans prévenir. Un adjoint compétent (Léonard Specht) qui vise la place du directeur sportif (Max Hild) qui se défend. À mon détriment ? Le manque d’un avant-centre performant. Le manque de dialogue avec les joueurs. Le manque d’énergie après de longues saisons comme entraîneur. Beaucoup de causes. Une conséquence. Malgré ¾ de saison plus qu’acceptable.
Avez-vous aujourd’hui l’un ou l’autre regret par rapport à cette expérience ?Mon licenciement reste une blessure, même si elle est cicatrisée. Elle m’a enlevé l’envie d’entraîner. Sur cet échec, j’ai décidé de changer de fonction dans le football. Même s’il m’est arrivé de revêtir le survêtement à de rares reprises.
Quel est votre meilleur souvenir de votre passage à Strasbourg ?
Les quatre ans de vie à Hangenbieten m’ont ravi. J’ai aimé la gentillesse des gens, la beauté des paysages, la transition de vraies saisons et la gastronomie de qualité.
Qu’est-ce qui, selon vous, caractérise le Racing ?
Un environnement passionné. Un orgueil démesuré. Une fierté aveugle.
De votre côté, vous avez notamment été à partir de 2004 l’un des grands artisans de la professionnalisation et de la croissance du Mans UC, devenu Le Mans FC en 2010, jusqu’à votre retrait de la direction en juin 2012. Un peu plus d’un an après votre départ, Le Mans subissait le même sort que le Racing en 2011, avec toutefois un redémarrage en DHR soldé par une montée immédiate en CFA2. Il postule aujourd’hui à la montée en CFA. Quel regard portez-vous sur les destins de ces deux clubs que vous avez connus ?
Les résultats supérieurs au potentiel de ces clubs (financier surtout, public pour Le Mans), fruits de la compétence et du travail, gonflent les égos et provoquent des choix ambitieux. Les clubs veulent alors acheter des résultats meilleurs en investissant encore plus pour plaire à leur environnement. Ils oublient la patience. Et se stressent eux-mêmes en jouant à quitte ou double. Les dépenses supérieures aux recettes pendant trop de temps débouchent immanquablement sur les mêmes conséquences. Dans tous les domaines d’activité.
Les supporters se rendent toujours nombreux à la Meinau, avec encore cette saison près de 10’000 spectateurs par match en troisième division. Quel regard portez-vous sur ce public et cette ville ?
Le public est nombreux et passionné. Cette passion et cette fierté alsacienne comportent des bons et des mauvais côtés. Le mauvais côté mène le club dans les divisions inférieures. J’adore Strasbourg et l’Alsace.
Depuis le nouveau départ du Racing en 2011, avez-vous eu l’occasion de revenir à Strasbourg et plus spécialement à la Meinau pour assister à un match ?
Non. Mais mon fils Emeric a un entretien d’embauche le 6 janvier à Strasbourg. S’il était engagé, cela me donnerait l’occasion de revenir en Alsace.
Après votre départ en mars 1995, le Racing était ensuite allé jusqu’en finale contre le Paris-Saint-Germain sous la houlette de votre successeur, Jacky Duguépéroux, mais ce sont les Parisiens qui emportèrent le trophée (1-0). En championnat, le club avait fini 10ème. Aujourd’hui, c’est à nouveau J. Duguépéroux qui coache un Racing qui lutte à présent au troisième échelon national avec l’ambition de rejoindre à court terme le monde professionnel. Estimez-vous que le Racing est capable d’y parvenir ?
Le Racing, grâce à l’engouement qu’il suscite, peut croire à un avenir plus prestigieux. S’il réussit à maîtriser son orgueil et ses finances. En passant, je constate que mon passage en Alsace a débouché sur une des bonnes saisons de l’histoire du Racing.
Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Jacky Duguépéroux ? Depuis ces vingt dernières années, il est devenu l’homme le plus titré du club. Estimez-vous qu’il est l’homme de la situation ?
Je n’ai pas le souvenir de l’avoir rencontré. Il possède l’expérience du poste, surtout en Alsace. Où la connaissance et la maîtrise de l’environnement sont fondamentales.
Avant de conclure cet entretien, quel regard portez-vous sur le football contemporain ?
Le football, le footballeur progressent. La technique devient de plus en plus sûre, plus complète, plus adaptée à la vitesse du jeu. Le spectacle peut devenir enthousiasmant. Souvent.
À titre plus personnel, pouvez-vous nous dire quelles sont vos activités aujourd’hui ?
Je m’initie à la cuisine, au bricolage, avec le plaisir de voir des résultats presque immédiats. Je m’ouvre plus aux gens. Je prends et j’ai le temps pour l’autre. Je profite des miens. Je voyage et continue de découvrir. Le monde et la vie.
Pour finir, quels vœux adresseriez-vous au Racing et à ses supporters en ce début d’année 2015 ?
Retour à la division supérieure. En mêlant ambition, passion et modestie. Avec des supporters positifs et chaleureux.
Au nom de toute l’équipe de TSL-Alsace, nous vous remercions pour votre disponibilité et vous souhaitons une excellente nouvelle année.
TSL-Alsace,