dna a écrit:
Épisode 1 :
Quand Joël Tanter s’est marié (11 mars 1977) Joël Tanter, la Coupe après les coupesLe 11 mars 1977, Joël Tanter, feu follet du Racing champion de France deux ans plus loin, a vécu une folle journée. Avant de battre Lille en Coupe de France, il avait dû boire quelques coupes.
C’était un autre temps, assurément ! Les footballeurs professionnels, déjà choyés, avaient le salaire d’un cadre moyen-supérieur. Et le Racing jonglait avec légèreté entre la D1 et la D2 d’alors.
« C’était souvent le bordel. Il y avait même deux dirigeants d’envergure qui avaient demandé à Elek Schwartz, l’entraîneur de l’époque, de ne plus me titulariser. Sinon, le club n’aurait plus de subvention municipale, avaient-ils menacé, rigole Joël Tanter. Il les avait envoyés balader. »
André Hahn « m’a accordé la nationalité alsacienne le jour de mon mariage »Faut dire que le bonhomme était un sacré Monsieur, il avait entraîné le Benfica Lisbonne d’Eusebio avant de goûter une paisible retraite du côté de Haguenau, à devenir artiste-peintre.
Il avait été appelé en cours de saison, alors que le Racing végétait en D2. « On était tombé la saison d’avant. Lors du dernier match contre Sochaux, il devait y avoir 1 200 spectateurs à la Meinau. »
Voilà pour le contexte, mais voici le fameux 11 mars 1977 déjà, où Joël Tanter avait pris pour épouse Fabienne.« On avait fait publier les bans, etc, etc. C’était prévisible, comme le fait que Robert Grossmann nous unisse à la mairie de Strasbourg avec, comme salarié à l’état civil, André Hahn, qui deviendra mon ami (il est à la commission centrale de la Coupe de France, ndlr). »
Le détail qui pique, moins prévisible, c’est que le Racing s’était qualifié pour les 16es de finale de la Coupe de France. Et jouait face à Lille ce même vendredi. « La cérémonie avait lieu à 15h, le rendez-vous au stade de la Meinau pour la collation était à 17h. »
Mais la chose fut faite et bien faite. « Robert (Grossmann) avait heureusement réalisé un premier exploit en lisant un discours assez court. Il y avait les témoins et j’avais invité, comme joueurs, Albert Gemmrich, Heinz Schilcher et Ivica Osim. »
Tout le monde avait pris la route de Koenigshoffen, pas loin du CREPS, où résidait Heinz Schilcher. « On a ouvert deux ou trois bouteilles de champagne, puis mon épouse a mis le Baeckhoffe au four. Il a cuit pendant qu’on affrontait Lille. Un timing parfait. Et moi, j’avais des jambes de feu », éclate de rire celui qui était venu à Strasbourg pour… son école hôtelière quelques années plus tôt.
Ce soir-là, le Racing avait donc écrasé les Lillois (4-0), avec un Joël Tanter des grands soirs. « C’est la première fois que le public de la Meinau avait scandé mon nom », sourit celui que les fans surnommeront ensuite “Bip-Bip” pour ses dribbles déroutants. Le Breton barbu distribuera trois passes décisives.
La bienveillance de Schwartz« Comme j’aimais beaucoup Elek Schwartz, auquel je rappelais Gento (six fois vainqueur de la Ligue des champions avec le Real Madrid) , je l’avais prévenu de mon mariage quand j’étais arrivé au stade. Il m’avait simplement félicité, sans se fâcher. C’était un Monsieur d’une humanité exceptionnelle. »
Après un match nul à Lille, le Racing, qui allait remonter en D1, se faisait ensuite éliminer par le très grand Nantes, futur champion de France.
« On avait perdu 2-0 là-bas, on menait 3-0 à la Meinau. J’avais mis le troisième but, mais les Nantais ont marqué, nous éliminant. »
Joël Tanter remontera en Division 1, remportera le seul titre de champion de France du Racing en 1979. Il se reconvertira comme cuisinier, terminera responsable de la choucroute à l’Ancienne Douane.
Désormais retraité, il arpente les terrains de foot d’Alsace, toujours dans les pas d’André Hahn. « Il m’a accordé la nationalité alsacienne le jour de mon mariage. »
Le jour où… nous sourirons à nouveauEn temps normal, votre cahier des sports – le troisième, le vert, celui que l’on se dispute autour de la biscotte au petit-déjeuner – relate de… sports.
Il y est question d’oppositions, de duels, de matches, de classements. De points héroïquement pris de-ci, d’autres benoîtement perdus de-là et toute sorte de futilités dérisoires qui pimentent le quotidien d’un compétiteur, qu’il soit professionnel ou amateur. De destins glorieux, hors normes, singuliers ou brisés. D’histoires de vie, en somme.
Or depuis quelque temps – un jour, une semaine, une éternité –, cette vie-là s’est figée. À l’heure où une armée de blouses blanches est engagée dans le seul combat qui vaille, celui contre la maladie et la mort, tout le reste est devenu superficiel et vain.
Au sein de notre rédaction, on a d’abord accusé le coup, un peu hébété par le caractère soudain et brutal de cette immobilisation forcée. De bien vilains mots ont ressurgi, comme « huis clos », « report » ou « annulation », utilisés habituellement en période de débordements de supporters et de sanctions disciplinaires. Puis il a fallu se résoudre à conjuguer le sport au conditionnel et à l’imparfait, le futur devenant tellement incertain.
Mais parce que les sportifs sont de grands optimistes par essence, nous avons voulu balayer le marasme ambiant en rouvrant la boîte à jolis souvenirs pour en extirper des instants fugaces de joie, des tranches de grands bonheurs ou de petits malheurs qui vont alimenter une série baptisée “Le jour où…”
La truculente histoire du mariage de Joël Tanter en marque l’ouverture. Nous la poursuivrons jusqu’à ce que le sport reprenne ses droits. Jusqu’au jour où nous sourirons à nouveau.