Du passé au présent
Entraîneur au centre de formation du Racing, là où tout a commencé pour lui, Martin Djetou jette un regard intéressé sur ce qui attend la bande à Laurey, ce week-end. Car c’est à Monaco que l’ancien défenseur s’est envolé.
Il y aurait de quoi hésiter, mais le doute n’est pas permis. Malgré les 94 matches de championnat sous le maillot strasbourgeois et les 116 sous celui de Monaco, Martin Djetou sait d’où il vient. Et où il est bien.
« Je n’oublie pas que c’est ce club qui me donne à manger aujourd’hui, indique l’entraîneur des U16 au centre de formation. J’aimerais que le Racing retrouve ce qui a manqué contre Amiens. Il faudra mettre le petit brin de folie. Et pour Monaco, qu’est-ce que cela changerait, un mauvais résultat ? Ils seront de toute façon dans les cinq premiers. »
« Le Racing aurait pu me vendre plus cher »
Le technicien de 42 ans ne foule plus les pelouses où il impressionnait par sa puissance et sa rigueur depuis plus de dix ans ? Qu’à cela ne tienne. Le Racing et Monaco sont passés par des hauts, des bas, enfin surtout des bas pour l’un et des hauts pour l’autre ? Les deux clubs n’ont peut-être pas tant changé que ça dans l’intervalle.
Il y a plus de vingt ans, dans le passage de l’ancien international de l’Alsace au Rocher, toute ressemblance avec ce qui se pratique aujourd’hui à l’ASM n’a rien de fortuit. À l’été 1996, le club princier débourse 12 millions de francs, une somme énorme, à l’époque, pour le défenseur de 22 ans. Les observateurs soupçonnent les effets d’un grain de folie parmi les dirigeants. « Mais avec moi, Monaco a fait la bascule, puisqu’il m’avait transféré pour trois ou quatre fois plus cinq ans après, sourit l’intéressé qui allait poursuivre sa carrière à Parme. Dans la forme, mon départ du Racing ne m’avait pas plu. On m’avait présenté le contrat juste après un match entre Monaco et le Racing, à Louis-II, alors qu’on venait de prendre 5-1. »
Tout à sa colère, Martin Djetou avait envoyé bouler un peu tout le monde. Il a fallu la persuasion de l’un de ses pères adoptifs, Roland Weller, le président du Racing d’alors, pour qu’il tourne le dos au maillot bleu de ses jeunes années heureuses.
« Roland Weller, c’est quelqu’un que j’apprécie énormément, explique-t-il. Et il m’avait dit : ‘‘Le club est dans le besoin. Il n’y a que ton départ pour le sauver”. Je n’étais pas préparé à ça. Le Racing était un peu pris à la gorge, je suis persuadé qu’il aurait pu me vendre plus cher. »
Celui qui avait débuté en pro en 1992, à l’âge de 17 ans, accepte finalement d’entrer dans une nouvelle dimension. Jean Tigana lui fait la place, comme milieu récupérateur, envoyant l’emblématique Claude Puel à la retraite. « Je vivais alors un déchirement mais c’était aussi à moi de jouer. Et je me retrouvais dans un club qui avait des grosses ambitions légitimes chaque saison. »
Avec Barthez, Henry, Trezeguet, Benarbia, Anderson, Legwinski ou Scifo – mélange d’une jeunesse épatante et de joueurs établis, tiens, tiens –, il décroche le titre de champion, en 1997, n’est pas loin de prendre le wagon légendaire du Mondial-1998 avec d’autres Bleus, redevient roi de France en 2000, ajoute encore une petite coupe d’Italie à son joli palmarès en 2002.
Aujourd’hui, un gouffre semble séparer le club azuréen qui s’invite régulièrement à la table des grands d’Europe du Racing, parti pour ramer dans son opération maintien en L1.
« On doit partir du principe que lorsqu’on sort de l’avion, on a un point dans la valise et que c’est à l’adversaire de venir le chercher, conclut-il, convaincu de la capacité strasbourgeoise à rivaliser, au moins le temps d’un après-midi. Il ne faudra pas trop respecter cette équipe et jouer sur ses points forts, ne pas penser en fonction d’elle. » Il y a un peu plus de vingt ans, on lui avait soufflé de penser à soi et aux siens. Et cela ne lui a pas trop mal réussi.
dna