K.Chergui/Top Image - cliquez pour agrandir

Il a grandi dans un pays en pleine guerre civile, a signé sa première licence à 15 ans, en 1990, année durant laquelle le dictateur Robert Mugabe était réélu à la tête du pays. S’il vit pleinement sa carrière de footballeur le milieu de terrain strasbourgeois n’a pas oublié d’où il vient et la misère qui frappe son pays, le Zimbabwe :

Photo : Shereni, formidable combattant sur le terrain, reste très proche du Zimbabwe, son pays d’origine.



Chiredzi, province du Masvingo, proche de la frontière avec le Mozambique à plus de 500 kilomètres au sud de Harare la capitale du pays. C’est dans cette petite ville du Zimbabwe, l’ancienne Rhodésie, qu’Harlington Shereni est en 1975. Début septembre, l’ex-Nantais était de retour au pays pour un match contre la Guinée de Mamadou Bah comptant pour les qualifications à la Coupe du monde. « A chaque fois que j’y retourne la situation se détériore. Ça devient vraiment critique. » Depuis 2003 et la crise agraire l’ancien grenier à blé de l’Afrique ne peut plus subvenir à ses besoins et 70% de la population se retrouve sans emploi. En juin dernier, Robert Mugabe a remporté une nouvelle fois les élections présidentielles de manière douteuse.

Hippo Valley FC premier club

Harlington Shereni a grandi au Zimbabwe, le football n’était pas un objectif pour lui, juste un sport de rue que l’on joue avec une balle en plastique. « On jouait surtout avec l’école et pas en club, on jouait dès qu’on avait du temps libre. Mon père lui évoluait dans un club amateur à Rio Tinto. » Il a déjà quinze ans lorsqu’il signe sa première licence. Au Hippo Valley FC. Son père travaille dans la compagnie productrice de sucre qui possède le club amateur. Chez les Shereni, le football n’était pas une priorité surtout pour sa mère. « Elle pensait plus à mon éducation, elle voulait que je termine le lycée, le high-school. » Chose qu’elle arrivera à imposer à son fils en 1992. Au Zimbabwe, les années 90 sont marquées par l’accentuation de l’autoritarisme du régime. « A cette période, à peu près, nous avons connu une sécheresse importante. Je sais ce que ça fait et je ne le souhaite à personne ».

Une formation de technicien d’avion

Loin de la politique, la même année, Harlington rejoint Harare la capitale et la formation de Caps United FC. Il y signe d’ailleurs son premier contrat pro à 17 ans. « C’était un grand changement, c’était le foot pro avec entraînement tous les jours ». Il n’y reste qu’un an et s’engage au Air Zimbabwe, club sponsorisé par une compagnie aérienne. Il suit également une formation de technicien d’avion (aircoast ingenering). « L’école me plaisait, les avions aussi j’étais encore jeune sans intention de faire pro et puis, toujours ma mère qui insistait pour je fasse quelque chose en dehors du foot », confie-t-il.

Le déclic à Nottingham

A 18 ans il part pour l’Angleterre à Nottingham Forrest club partenaire d’Air Zimbabwe. Le garçon a du talent. Pendant cinq mois, il s’entraîne avec la réserve puis rentre pour finir sa formation qu’il pourra terminer malgré son transfert au Dynamo Harare, club phare qui dispute la champion League d’Afrique.
« Aller en Angleterre m’a ouvert les yeux, le football devenait ma priorité ». Il reste deux ans au Dynamo avant de débarquer en Europe. En Suisse. Sa carrière prend une autre tournure et l’enfant de Chiredzi suit désormais de loin l’actualité de son pays et surtout la crise agraire qui frappe son pays en 2003 lorsqu’il découvre le championnat de France (Istres , L2) après quatre années en Suisse. Après Guingamp (trois ans et demi) et Nantes (une saison), le voilà à Strasbourg prêté par le FCNA. « Personne ne peut se rendre compte sans l’avoir vu mais c’est vraiment difficile là-bas pour la population. J’envoie régulièrement quelqu’un faire des courses en Afrique du Sud. Il manque du sucre, de l’huile pour cuisiner… ». Et d’autres denrées alimentaires malheureusement aussi. Proche de la misère qu’il a côtoyé chez lui, mais également homme privilégié en France grâce à son métier, Harlington Shereni connaît les extrêmes « En Afrique t’as rien, ici tu as tout ou presque ». Il a parfois profité, même gaspillé de l’argent, mais une grande partie de ses revenus alimente sa famille et ses proches.

« Depuis que je gagne ma vie grâce au foot c’est comme ça. C’est quelque chose que je dois faire. Je ne pourrais pas vivre
autrement. »

Un certain Edwige

Ce soir, le Racing sera en déplacement à Angers. La capitale du Maine-et-Loire a abrité, au début des années soixante-dix une très grande équipe de foot qui, durant quelques années a brillé de milles feux sous l’impulsion d’un certain Jean-Marc Guillou au milieu du terrain ou de Marc Berdoll aux avant-postes.

DR

Photo : Eric Edwige, capitaine du SCO d'Angers, à la une du magazine But en 1972 ci-dessous, au lendemain d'un triplé face à Nice, et il y a deux ans, chez lui en Guyane.

Angers avait terminé à la 4e place le championnat 71-72 en se qualifiant pour la Coupe de l’UEFA avec une élimination face au Dynamo Berlin. Le capitaine du SCO d’Angers n’était autre, à l’époque, qu’un joueur bien connu quelques années auparavant en Alsace. Eric Edwige, Guyannais d’origine, a passé onze années au total sur les rives du Maine, de 1966 à 1977, joué 329 matchs et marqué 83 buts. Juste avant de briller à Angers, Edwige avait fait le bonheur de...l’AS Mutzig avec un certain Max Hild comme coéquipier.
« Nous avions effectué une tournée aux Antilles et en Guyane à la fin de la saison 1964-65 », raconte l’ancien recruteur du Racing.
« Edwige qui avait vingt ans à peine était vraiment très impressionnant et Roger Leissner, le président du club à l’époque, lui a proposé de venir ». Edwige va enchanter le public du club bruchois. « C’était un véritable attaquant axial, vif, rapide, très adroit face au but. Un joueur exceptionnel pour un club comme le nôtre à l’époque en CFA. Il découvrait tout chez nous, la Métropole, le foot organisé et le reste. Je me souviens que la première fois qu’il a neigé, il était comme fou... » Edwige ne tarde pas à faire parler de lui et Angers vient le chercher un an plus tard. « Les deux clubs s’étaient arrangés à l’époque, même si c’est sûr qu’on aurait bien aimé le garder », poursuit Hild.

Après son départ d’Angers, Eric Edwige a rejoint Montpellier avant de revenir en Guyane où il a joué jusqu’à 49 ans au club de l’ASC Roura qu’il a même entraîné jusqu’en 2007.

L.M.