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Gros plan sur le milieu offensif du SR Colmar Romain Gasmi, le feu sous contrôleQue ce soit à l’Olympique Lyonnais, au Racing Club de Strasbourg ou à Bangkok (Thaïlande), Romain Gasmi n’a pas toujours su maîtriser son fort « caractère ». Du haut de ses 33 ans, le milieu offensif a néanmoins mûri. Il joue un rôle de guide dans le vestiaire du SR Colmar.
Il n’est, de loin, pas le plus connu de la fameuse génération 1987. Contrairement à Karim Benzema, dont il a été le coéquipier dans les catégories jeunes à l’Olympique Lyonnais, Romain Gasmi n’a pas côtoyé le très haut niveau. Le milieu offensif se serait-il offert un destin différent, en contrôlant mieux le feu qui couvait en lui ? Difficile à dire…
Au Racing, il a payé cher ses « erreurs de jeunesse »Dès l’adolescence, c’est sur un coup de sang qu’il claque la porte de l’OL. « Un éducateur m’avait mal parlé. J’ai dit à mon père que je voulais quitter le club. »
Romain Gasmi s’éloigne alors de sa ville natale pour poursuivre son cursus à Valence (Drôme), puis Bourgoin-Jallieu (Isère). Il est « approché par un agent », qui l’oriente vers le RC Strasbourg. « Lyon m’a rappelé, j’étais confronté à un dilemme, mais j’ai choisi le Racing. François Keller (l’entraîneur de la réserve) m’avait séduit. »
L’aventure sous le maillot bleu commence sur d’excellentes bases. Le jeune Rhodanien fait rapidement ses preuves, au sein du centre de formation du RCS. Après deux saisons en CFA, il « signe professionnel » à l’été 2006 et se retrouve « titulaire en Ligue 2 » sous les ordres de Jean-Pierre Papin, à 19 ans seulement. « À cette période-là, j’ai commis des erreurs de jeunesse, avoue-t-il. Je pensais davantage aux sorties et aux bêtises que je pouvais faire à l’extérieur qu’aux choses que je pouvais accomplir dans le stade. Et quand une étiquette se colle, elle n’est pas facile à enlever… »
Illustration en août 2007. Fraîchement promu en L1, le Racing a enrôlé un nouvel entraîneur, Jean-Marc Furlan. Au bout d’une préparation convaincante, Romain Gasmi pense obtenir du temps de jeu lors de la réception de Marseille, en ouverture du championnat.
« Or, j’ai ciré le banc toute la rencontre, rembobine-t-il. Et le même scénario s’est répété pendant douze matches ! La treizième fois, j’ai pété les plombs. J’estimais que j’avais assez montré au coach que j’avais envie de jouer. J’ai été écarté du groupe et ça m’a dégoûté. C’était sans doute un peu idiot de ma part, mais durant toute la deuxième partie de saison, je n’en avais plus rien à foutre… »
Il fait son « mea culpa » auprès de François KellerAu printemps suivant, le milieu est prêté à Southampton, alors pensionnaire de la deuxième division anglaise. Las, avant même de traverser la Manche, il se blesse au pied (fracture du cinquième métatarse) et rejoint son nouveau club « en béquilles ». Même rétabli, il ne fera jamais vraiment son trou sur la côte sud du Royaume-Uni (quatre apparitions en championnat). « Mais j’ai adoré l’Angleterre, la guerre à l’entraînement… J’ai découvert un football différent et ça m’a fait du bien. »
De retour à Strasbourg, relégué en L2, Romain Gasmi est surpris lorsque Gilbert Gress, le nouveau technicien du RCS, lui annonce qu’il veut lui donner sa chance. « Ça démarrait bien, je me suis dit qu’il fallait que j’envoie du lourd. Malheureusement, on s’est pris un 6-1 (à Istres en Coupe de la Ligue) et le coach s’est mis l’équipe à dos. Il a été remplacé par l’entraîneur des gardiens (Pascal Janin) , qui ne pouvait pas me saquer. »
L’horizon se bouche encore. Chaque semaine, le jeune homme est laissé à la disposition de la réserve (CFA). « J’en avais un peu marre d’y aller, souffle-t-il. En voyant certains mecs sur le terrain en L2, je me disais que même en étant unijambiste, j’aurais pu faire mieux… François Keller a senti mon agacement. Un jour, il m’a lancé : “Je ne te veux plus dans mon équipe tant que tu es dans cet état d’esprit.” J’ai fini par faire mon mea culpa auprès de lui. »
En 2015, il « loupe le contrat en or »
S’ensuivront des essais infructueux à Auxerre, Lorient et Fréjus. « Plus personne n’osait parier sur moi. » Faute de mieux, il s’engage à Chasselay (CFA), dans le Rhône, avant de recevoir un coup de fil qui fera basculer sa vie. « Mon ami Sylvain Idangar, avec qui j’avais été formé à Lyon, venait de signer en Thaïlande. Il m’a suggéré d’en faire de même… »
Ni une ni deux, Romain Gasmi rejoint Bangkok United, où on le « propulse star de l’équipe ». Il vit une expérience « formidable » et enchaîne les saisons pleines (28 buts en 85 matches). Il découvre surtout un « pays magnifique », qu’il prend plaisir à visiter avec sa femme Yamina. « Dès qu’on avait deux ou trois jours, on partait dans les îles. La Thaïlande est une destination de rêve, même si c’est vrai qu’il y a beaucoup de pauvreté… Les gens là-bas sont géniaux, toujours prêts à aider. »
Le milieu, lui, touche un salaire confortable. Mais en 2015, il « loupe le contrat en or ». « Je l’avais sous le nez et je ne l’ai pas signé. Depuis le début, c’est mon cousin qui menait les discussions avec le club, mais cette année-là, il s’était fait opérer et j’avais fait savoir aux dirigeants que je préférais qu’il soit là. Ensuite, j’ai eu un accrochage pendant un match avec mon coach Mano Pölking. J’étais énervé contre moi-même et j’ai lancé mon maillot par terre quand il m’a sorti. Parce que j’avais un peu trop de caractère, je suis passé du Top 5 des contrats en Thaïlande à plus rien du tout. »
Devenu papa d’un petit Ilies (*) , Romain Gasmi tentera bien de rebondir, tantôt à Chiang Mai, tantôt à Khon Khaen, loin de la capitale… « Je partais quatre jours sur sept, je ne voyais presque pas ma femme et mon fils », souffle-t-il.
Le choix de « rentrer en France » s’impose de lui-même, en 2018. « Yamina, originaire de Strasbourg, voulait se rapprocher de sa famille. Je l’ai quand même emmenée sept ans loin des siens… »
« Je suis à la place que je mérite »En quête d’un club en Alsace, le Lyonnais expatrié a la bonne idée de contacter son « meilleur ami Jean Moog », lui aussi formé au Racing. « Je lui ai demandé de dire à son beau-père (José Guerra, entraîneur du SR Colmar) que je cherchais un projet. Le lendemain, le coach m’a proposé un contrat. Il n’a pas vérifié si j’avais une jambe de bois (rires) … »
« Pour un joueur comme lui, qui a évolué en pro, c’était un choix risqué de nous rejoindre en R2, pense José Guerra. Il a une belle expérience, qu’il est venu transmettre. »
Romain Gasmi s’est de suite considéré chanceux de revêtir le maillot du SRC. « Porter du vert pour un Lyonnais, c’est contre-nature, s’esclaffe-t-il. Mais je me sens bien ici. Colmar est un club important de la région. Je ne me suis jamais dit que je valais mieux que ce qu’on me proposait. Je suis à la place que je mérite. »
Depuis son arrivée au SRC, l’ex-professionnel a connu deux accessions. Cette saison, en National 3, il jouera plus que jamais un rôle de guide. « Je vais essayer de transmettre un peu de sérénité aux jeunes foufous de mon équipe, même si je suis moi-même parfois dur à canaliser », sourit-il.
Romain Gasmi n’a pas perdu son tempérament de feu. C’est juste qu’il le contrôle un peu mieux, avec le temps…
(*) Romain Gasmi et sa femme Yamina ont eu un deuxième enfant, une petite fille prénommée Milhan, il y a sept mois.