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Du Racing à Mayence : Caci et Ajorque, l’or du RhinPartis du Racing pour vivre une nouvelle expérience en Bundesliga, Anthony Caci (25 ans) et Ludovic Ajorque (29 ans) s’épanouissent à Mayence, où ils sont parvenus à s’imposer. Rencontre avec les deux Franzosen dans leur nouveau cadre de vie.
Ils ne font pas semblant, en ce mercredi de trêve internationale, sur le terrain d’entraînement du Bruchweg-Stadion de Mayence. Dans ce combat sans répit, quelques tacles bien sentis se perdent au passage.
Au sol, Ludovic Ajorque se frotte énergiquement le tibia et se relève sans râler. « Weiter, Ludo (prononcez Loudo) , weiter. » Sous les ordres de l’intransigeant coach danois Bo Svenson, l’attaquant réunionnais repart de plus belle et vient placer une tête victorieuse sur un centre bien dosé de “Titi” Caci.
On se croirait revenu quelques mois en arrière sur les bords du Krimmeri, quand les deux compères peaufinaient leurs automatismes sous le maillot bleu.
Jusqu’à ce que le défenseur mosellan, arrivé l’été dernier en fin de contrat au Racing, décide de rallier le FSV Mainz 05. En janvier, Ajorque l’a rejoint, permettant au club strasbourgeois de toucher six millions d’euros pour le transfert du buteur qui aspirait à changer d’air. Le duo s’est engagé avec les “rouges” rhénans jusqu’en juin 2026.
Ajorque : « Le plus frustrant, c’est de ne pas pouvoir se faire comprendre »À seulement deux heures de route de Strasbourg, Caci et Ajorque sont sortis de leur zone de confort et ont découvert un autre monde. Titulaires dans une équipe qui lorgne une place européenne – actuel 9e , à trois points de l’Eintracht Francfort et du top 6 –, ils ont les yeux qui pétillent quand ils évoquent leur nouvelle vie. Un peu comme les ondines de l’opéra de Wagner censées garder l’or du Rhin. Entretien.
Comment vous sentez-vous à Mayence ?Anthony Caci : Bien ! Le temps passe vite, j’ai l’impression d’être là depuis deux ou trois saisons. Après toutes ces années à Strasbourg, j’avais une petite appréhension. Mais je ne suis pas non plus parti à l’autre bout du monde. C’est proche de la maison, donc ce n’était pas trop compliqué. Je me suis bien intégré, les gens sont gentils avec nous !
Ludovic Ajorque : J’ai quitté Strasbourg et le lendemain, j’étais déjà dans le groupe pour le déplacement à Dortmund. J’ai enchaîné neuf matches en deux mois, j’ai l’impression d’être là depuis le début de la saison ! Comme je ne parle ni anglais, ni allemand, ni rien du tout, ça a permis d’accélérer mon intégration. Je prends en tout cas beaucoup de plaisir.
Qu’est ce qui est le plus déstabilisant quand on débarque comme renfort étranger ?
A.C. : Un peu tout : la langue, la culture, ce que les autres pensent de toi. Tu es d’abord sur tes gardes, mais au fil du temps, tu vois que tout se passe bien. Les gens sont droits, mais ils sont cool. Et tout est structuré de A à Z. J’apprécie car tu sais dans quelle direction aller, tout le monde tire dans le même sens.
L.A. : Le plus frustrant, c’est de ne pas pouvoir se faire comprendre. Le football a beau être un langage universel et le fait d’avoir un traducteur dans le staff m’aide beaucoup. Mais ça ne fait pas tout. Quand les gens viennent vers moi, j’essaye de leur parler, mais je n’y arrive pas… Heureusement que “Titi” est devenu un pro en allemand (rires) !
A.C. : Un pro, il ne faut pas exagérer. Je comprends ce que l’on me dit, mais je n’ai pas réponse à tout !
Là où tu apprends le plus, c’est en suivant les discussions dans le vestiaire. Au début, tu ne fais qu’écouter, puis tu commences à participer.
C’est plus efficace que les cours que nous dispense le club, un peu trop scolaires à mon goût…
Comment s’est déroulée votre intégration dans l’équipe ?A.C. : Il m’a fallu un temps d’adaptation. J’ai eu plusieurs discussions avec le coach et son staff. Ils m’ont rassuré en me disant que ça allait prendre du temps pour digérer l’intensité des entraînements et me mettre dans le rythme de la Bundesliga.
Au début, j’étais sur le banc. Le déclic, c’est quand j’ai marqué le but égalisateur contre le Hertha Berlin (1-1, 7e journée) , un signe pour dire que j’étais prêt. Puis ça s’est enchaîné, d’abord pour dépanner en défense centrale, puis comme piston gauche. Rétrospectivement, j’ai constaté que tout s’est déroulé comme l’entraîneur l’avait prévu.
L.A. : En arrivant, le coach m’a demandé de faire ce que je savais faire, sans me mettre de pression, ni être obnubilé par le but. Bon, je l’étais quand même un peu : quand un club mise six millions d’euros sur un attaquant, ce n’est pas pour qu’il ne marque pas ! Il m’a fallu six matches pour que ça rentre enfin…
A.C. : (il le coupe) Oui, mais dans le jeu, tu as tout de suite beaucoup apporté, mais devant le but, tu n’as pas eu de chance…
L.A. : C’est vrai que j’en ai eu, des occases. Mais il y avait toujours un mec pour sauver sur la ligne ou un gardien pour repousser sur un coéquipier qui finissait le boulot ! Contre Gladbach (4-0, 22e journée) , j’ai ouvert mon compteur. Ça m’a un peu libéré, j’ai pu enchaîner (un but contre le Hertha, une passe contre Fribourg). On ne perd plus, tout va bien !
A.C. : On me chambre aussi souvent en me demandant quand est-ce que je vais faire ma première passe décisive à Ludo. Contre Fribourg (1-1), dimanche dernier, ça a failli marcher : je centre, il reprend bien la balle de la tête…
L.A. : Mais le gardien la sort au ras du poteau !Selon vous, quelles sont les principales différences entre la Bundesliga et la Ligue 1 ?
A.C. : L’intensité, les duels, le contact, le jeu direct. En tout cas à Mayence où, dès la récupération du ballon, on joue tout de suite vers l’avant.
L.A. : Au début, j’ai été choqué par l’arbitrage. Ça laisse beaucoup plus jouer qu’en France. Au corps-à-corps, il faut y aller pour qu’il y ait faute !
A.C. : En fait, tu joues d’abord l’adversaire. Sur un dégagement du gardien, par exemple, l’attaquant doit s’occuper de son défenseur, le repousser, faire de la place autour de lui avant de jouer le ballon. C’est une autre conception du foot !
Caci : « Le Racing est très proche du modèle allemand »
Êtes-vous aussi surpris par l’ambiance dans les stades ?
L.A. : J’ai surtout été surpris par le fait que toutes les deux journées, il y a un gros match : tu vas à Dortmund ou Leverkusen, c’est “gros match”. Tu reçois Gladbach ou Fribourg, c’est “gros match”. Ça n’arrête pas !
A.C. : Ici, on vient au stade pour une fête, en famille, longtemps avant le coup d’envoi et bien après la fin. En cela, le Racing est très proche du modèle allemand.
Ensuite, que ce soit pour le premier ou le dernier du classement, le public voue une vraie passion à son équipe. Tu ressens l’amour que te portent les gens.
Quelles sont vos ambitions pour la fin de saison ?A.C. : Le premier objectif, c’est déjà le maintien, avec la volonté de faire mieux que l’année précédente (9e en 2021-2022).
L.A. : C’est un peu comme à Strasbourg la saison dernière. Puisqu’on est bien classé, on a envie de vivre un beau sprint final et, pourquoi pas, de connaître les frissons européens !
Racing : « On suit tout, et tous les jours ! »L’un est arrivé au Racing à l’âge de treize ans en provenance de Forbach pour y faire toutes ses classes, passer pro et disputer plus de cent matches (107) en Ligue 1. L’autre est devenu le meilleur buteur du club strasbourgeois dans l’élite au XXIe siècle, avec 46 réalisations en quatre saisons et demie passées sur les bords du Krimmeri.
Forcément, Anthony Caci et Ludovic Ajorque restent attachés à leur vie d’avant. « J’étais à Strasbourg pas plus tard qu’hier », se marre le grand Réunionnais. « Moi aussi, j’y retourne souvent », abonde le défenseur.
Le duo ne manque évidemment rien de l’actualité du club. « On suit tout, et tous les jours, précise Caci. Dimanche dernier, on jouait contre Fribourg en soirée. Du coup, on a suivi le match du Racing contre Auxerre. Nos coéquipiers se demandaient ce qu’on pouvait bien regarder discrètement sur le téléphone pendant la collation ! J’ai dû couper sans savoir s’il y avait eu penalty ou non sur Jean-Eudes Aholou… »
Ajorque, lui, reste « en contact régulier avec les kinés, les préparateurs physiques et quelques joueurs, dont Dim (Liénard) avec qui on débriefe chaque lundi le match du week-end ».
Selon eux, l’équipe de Fred Antonetti va-t-elle réussir sa mission maintien ? « Ça va être serré jusqu’à la dernière journée, mais j’y crois », dit “Titi” Caci. « Ce nul arraché à Marseille, même s’il y avait peut-être mieux à faire, puis la victoire contre Auxerre redonnent un bel élan, complète Ludovic Ajorque. De toute façon, il n’y a pas le choix. La place du Racing est en Ligue 1 ! » Les Bleus savent qu’à Mayence, ils peuvent compter sur deux fidèles soutiens.
Séb.K.
La phraseIci, pour aller d’un point A à un point B, ils privilégient la ligne droite. Nous, on va parfois prendre un chemin détourné. Ce n’est pas pour autant qu’on est tordus, mais il faut croire que les Allemands aiment bien le style à la française. Si vous regardez bien, beaucoup d’équipes ont leur petit quota bleu-blanc-rouge !
Anthony Caci au sujet de l’attrait de la Bundesliga pour les Français