Un derby avec trucages
Le Racing - Metz de dimanche (2-2) a encore mis en évidence certaines mœurs footballistiques qu’il serait plaisant de voir disparaître. Le petit monde du ballon rond est-il vraiment le mieux placé pour jeter le discrédit sur un arbitre qu’il cherche au mieux à influencer, au pire à duper ?
Il est toujours commode de stigmatiser l’arbitrage. D’ailleurs, les dirigeants, entraîneurs et joueurs du football français s’en privent rarement.
Le bouillant derby Strasbourg - Metz de dimanche à la Meinau n’a pas dérogé à un rituel d’autant plus dérangeant qu’il exonère parallèlement les acteurs du jeu de leurs responsabilités. À ce titre, le visionnage d’un match à froid se révèle souvent instructif. Car il dévoile des fourberies pas toujours visibles dans un stade. Du moins dans leur entièreté.
Quand un arbitre se trompe, le coupable est tout désigné
Certes, en accordant un penalty aux Messins pour une main du… Lorrain Moussa Niakhaté en pleine surface strasbourgeoise, Ruddy Buquet s’est trompé. Fallait-il pour autant l’accabler ?
« Je ne jette pas la pierre à qui que ce soit, mais cette décision est hallucinante », faisait remarquer à chaud l’entraîneur du Racing Thierry Laurey.
À chaud aussi, les Bleus ont pourtant davantage jeté cette pierre à l’arbitre qu’au “fautif” Niakhaté, dans un élan un brin corporatiste qui pourrait sembler louable s’il ne trahissait un suspect réflexe d’autoprotection.
En attendant que la vidéo vole au secours des hommes en noir, dès 2018-2019 en Ligue 1, ces derniers resteront exposés à toutes sortes de trucages, même les plus grossiers.
Sur tous les terrains, on réclame une touche quand on vient soi-même de sortir le ballon, on met la pression sur l’arbitre pour qu’il cartonne un adversaire ou on simule une amputation sans avoir été touché. Plus personne ne s’en offusque.
« C’est de bonne guerre », « ça fait partie du folklore » : voilà le genre de poncifs avancés pour excuser cette duperie devenue ordinaire. Mais quand un arbitre se trompe, le coupable est tout désigné. C’est pratique et ça évite de balayer devant sa porte.
Dans une interview accordée à “L’Équipe” dimanche matin, M. Buquet le constatait amèrement dans cette sortie prémonitoire : « Les mœurs, les mentalités sont comme ça. S’il y a quelque chose à changer, c’est ça ».
La scène qui s’est déroulée l’après-midi à la Meinau lui donne raison. Anthony Gonçalves s’avance vers le banc messin pour récupérer le ballon et effectuer rapidement une remise en jeu alors que les Bleus sont menés 2-1.
Des penalties frappés délibérément à côté
Le gardien remplaçant du FC Metz, Quentin Beunardeau, qui mériterait le surnom de renardeau pour sa ruse, shoote dedans juste avant que le milieu strasbourgeois ne le ramasse.
Dans une réaction épidermique, “Gonzo” le repousse d’une main, sans coup porté.
La doublure mosellane s’effondre et, dans une attitude plus pathétique que tragi-comique, se roule à terre comme si on venait de lui arracher un bras.
L’incident, mineur en vérité, échappe à M. Buquet, mais pas aux bancs qui s’invectivent, ni aux caméras. La justice immanente qui existe parfois en football tranchera : le Racing égalisera dans la foulée.
Pour avoir répondu par un geste d’humeur à une provocation dont – il faut le dire – il est lui-même coutumier, Gonçalves pourrait être sanctionné.
Mais pour changer les mentalités comme Ruddy Buquet le réclame, la vidéo devrait aussi servir à sévir a posteriori contre les simulateurs et agitateurs, bien plus systématiquement qu’aujourd’hui. Quelques matches de suspension les conduiraient sûrement à s’amender.
On aurait ainsi aimé que Niakhaté se dénonce auprès de l’arbitre comme il l’avait fait juste avant face au capitaine alsacien Bakary Koné.
Et que l’ex-Racingman et capitaine messin Renaud Cohade ne le convainque pas de travestir devant M. Buquet une réalité que les ralentis télé avaient eu tôt fait de mettre en lumière.
Une utopie ? Peut-être pas. Fin janvier, un jeune Turc a botté en touche un penalty injustement accordé à son équipe.
En 2015, le milieu de Qarabag (Azerbaïdjan) Elvin Mammadov a lui aussi délibérément frappé à côté pour le même motif. Preuve que les enjeux ne pervertissent pas toujours le jeu.
Malheureusement, ces contre-exemples restent – bien – trop rares. Du coup, tant que “l’enfumage” de l’arbitre continuera à gangrener ce sport, ses protagonistes ne seront jamais les plus légitimes pour flétrir son intégrité.
dna